J’aime petit déjeuner dans le jardin. Le cerveau est lisse avant que n’éclatent les aspérités d’être civilisé.
Dans mon village à cette heure là ce n’est que gazouillis mêlés de tourterelles et d’étourneaux et au lointain, hurlements de coq et tintamarre voilé de cloches. Les premiers coléoptères émettent des parasites en s’affairant à butiner le chèvrefeuille parfumé qui courre dans mon dos.
Le petit matin à demi nue devant ma table en teck je trempe mes tartines mécaniques en fixant le gazon humide et sombre.
Il est six heures et je ressens dans cette ambiance des sensations animales.
Je me dis que dans la brousse ou la steppe il y a un félin ou un herbivore qui s éveille en contemplant sa nature. Nous devons avoir la même appréhension de notre biotope.
Encore une journée à survivre. Chercher de la nourriture, ne pas se faire tuer, lutter pour ce territoire et si la saison est propice, régénérer l’espèce.
Mais en voyant mes chats sortir par la porte restée ouverte puis venir se frotter dans mes jambes puis arpenter la pelouse clôturée, je prend conscience qu'entre animaux domestiques je suis assurée de trouver dans cette journée balisée tout ce dont j’ai besoin pour ma subsistance.
Alors je monte le son de mon transistor, capte les nouvelles du monde et réalise tous les bienfaits du progrès avec au fond de mon café, la triste compassion des clodos qui eux émergeants de leurs cartons doivent bien involontairement vivre cette redoutable sensation de survivance et de dénuement.
Mais le guépard est déjà parti chasser et l’antilope à déjà disparue dans les taillis de la savane.
Un car scolaire passe.
Et ma journée commence.
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